Changement de caisse de pension: pas sans l’accord préalable du personnel

Changement de caisse de pension: pas sans l’accord préalable du personnel

01. septembre 2020, Christine Esseiva

Les employés ou les représentants du personnel doivent participer d’une manière active au processus décisionnel et donner leur accord avant tout changement de caisse de pension. C’est en que le Tribunal fédéral a précisé dans son arrêt rendu le 5 mai dernier dans le cadre de l’application de l’article 11 al. 3bis de la Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et d’invalidité (LPP) (9C_409/2019, art. 11 al. 3bis LPP).

 

Le contexte

Pour bien comprendre l’arrêt susmentionné, revenons brièvement sur ce qui a poussé la Cour suprême à se positionner. En 2017, dans le canton de Berne, plusieurs associations et organisations professionnelles du secteur de la restauration et de la confiserie décident de changer d’institution de prévoyance et de résilier leur contrat d’affiliation. Pendant le délai de résiliation, elles en informent leur personnel. L’autorité bernoise de surveillance des institutions de prévoyance et le Tribunal administratif fédéral donnent leur aval à la liquidation partielle de cette institution. La caisse de pension concernée recourt au Tribunal fédéral, qui tranche en invalidant la résiliation.

 

Que dit la loi ?

Selon l’article 11 al. 3bis LPP, « La résiliation de l’affiliation et la réaffiliation à une nouvelle institution de prévoyance par l’employeur s’effectuent après l’entente avec son personnel, ou, si elle existe, avec la représentation des travailleurs.» En l’espèce, la résiliation avait été faite et communiquée à l’institution de prévoyance en bonne et due forme et en temps et en heure. Alors, où est le problème ?

 

Droit de participation des travailleurs

Malgré l’information qui en avait été faite aux employés, leur participation active n’avait pas été organisée d’une manière transparente avant la prise de décision, de sorte que, comme le précise le Tribunal fédéral, le personnel s’était retrouvé devant le fait accompli.

 

A ce sujet, le Tribunal fédéral précise que la participation du personnel ne doit pas être confondue avec la gestion paritaire d’une institution de prévoyance selon l’article 51 al. 1 LPP. En effet, par «personnel» il faut comprendre les travailleurs, et non pas les représentants des employeurs au sein de l’organe suprême de l’organisation de prévoyance.

Le Tribunal fédéral rappelle que, sans phase de concertation, le droit de participation des employés est bafoué. Il insiste aussi sur l’accord préalable entre l'employeur et son personnel qui revêt «une importance fondamentale». Le fait qu’aucune objection n’ait été soulevée par le personnel ne saurait combler l’absence de consultation préalable selon l’article 11 al. 3bis LPP.

En clair, il ne suffit pas d’informer le personnel ou ses représentants mais il faut les intégrer dans le processus décisionnel, leur offrir la possibilité de s’exprimer en leur donnant accès suffisamment tôt à tous les éléments leur permettant de prendre une décision sur le choix de la nouvelle caisse.

 

L’employeur ne saurait mettre le personnel ou la représentation du personnel devant un fait accompli. Au final, dans le cas d’espèce, dès lors que la résiliation du contrat d’affiliation n’a pas été valablement signifiée, le Tribunal fédéral a conclu à l’invalidité du congé, respectivement au maintien des associations et des employeurs concernés au sein de l’ancienne caisse de pension. Celle-ci, ayant eu gain de cause, n’a pas à procéder à une liquidation partielle selon l’article 53b.

 

L’accord préalable entre l'employeur et son personnel revêt une importance fondamentale

Partenariat social

Un réel droit de participation, selon l’article 11 al. 3bis LPP, implique que le personnel soit informé et puisse effectivement participer préalablement à la décision de la résiliation du contrat d’affiliation. Le consentement du personnel est incontournable pour valider la résiliation d’une affiliation à une caisse de pension. Sans décision conjointe, l’employeur a les mains liées et ne peut pas changer de caisse. En cas de blocage, un arbitre neutre peut être désigné d’un commun accord ou, à défaut, par l’autorité de surveillance.

 

Article publié dans Entreprise romande, le 25 septembre 2020

 

Photo : pxhere|LDD